Jacques Sauvageot

Jacques Sauvageot, vous etes directeur de l’ecole des Beaux-arts de Rennes depuis plusieurs annees.

Recemment, Rennes a ete l’hote d’une manifestation d’echelle nationale : notre ecole a accueilli les Assises des ecoles des Beaux-arts. Pouvez-vous expliquer les enjeux de cet evenement, et en quoi il consistait ? L’objectif des Assises etait d’avancer dans la reconnaissance des ecoles d’art comme etablissement d’enseignement superieur. Les ecoles d’art ont beaucoup evolue depuis 50 ans. Elles dependent du ministere de la Culture et dispensent un enseignement superieur qui n’est pas forcement reconnu par le ministere de l’Education nationale. L’enjeu c’est d’obtenir une reconnaissance officielle, notamment dans le cadre de l’harmonisation europeenne des enseignements superieurs. Je ne sais pas comment les Russes appellent ce que nous nommons LMD, LiMaDo, le systeme Licence – Maitrise – Doctorat : les enseignements de tous les etablissements doivent pouvoir se conformer, quelque part, a cette grille d’enseignements de 3 ans, de 5 ans, de 8 ans. Donc c’etait, on va dire, l’enjeu principal des Assises.

A-t-on propose des reformes pendant ces Assises ; concretement y a-t-il eu des propositions de faites, des changements prevus ? Lors des Assises on a discute principalement de trois themes. Le premier, c’est le statut des enseignements, le deuxieme, c’est l’art et la recherche, et le troisieme, les reseaux. En ce qui concerne le statut des enseignements, le but est d’arriver a une reconnaissance des diplomes ; une reconnaissance du statut des enseignants comme enseignants du superieur ; et a une reconnaissance du statut des etablissements comme etablissements d’enseignement superieur, leur permettant de delivrer des diplomes. Les diplomes a l’heure actuelle sont delivres par le ministere. L’idee etant d’arriver a fonctionner comme les autres etablissements d’enseignement superieur. Les Assises ont permis d’avancer sur ces differents dossiers. On devrait reussir assez prochainement a obtenir la reconnaissance du grade mastere pour le diplome de fin d’etudes. Le statut des enseignants devrait pouvoir evoluer dans une periode assez rapide et enfin les etablissements vont pouvoir trouver un statut qui leur donne de l’autonomie. Ca c’est pour le statut. La recherche ? L’art et la recherche. Tous les etablissements d’enseignement superieur sont fondes sur le fait que l’enseignement est lie a la recherche. La recherche dans l’enseignement superieur signifie la publication de doctorats. Dans les ecoles d’art, on donne un enseignement de l’art par l’art. Est-ce que l’art est de la recherche ? Pour nous, c’est le cas, mais encore faut-il que ce soit reconnu. Disons, on a essaye de voir quels sont les arguments qu’on pouvait avancer pour faire reconnaitre que l’art est de la recherche, d’une part, et d’autre part, d’evoquer une possibilite peut etre d’enseignement ou de formation, de troisieme cycle apres le diplome. Donc c’etaient les questions principales autour de la recherche. Le troisieme theme est celui des reseaux. Une ecole ne peut pas vivre toute seule, isolee, coupee des autres ecoles, avec peu de rapports avec les centres d’art, peu de rapports avec l’universite. La question est de savoir, d’etudier comment les ecoles peuvent s’integrer a la fois dans un reseau d’ecoles, dans un reseau de partenariats avec les autres enseignements superieurs, et dans un reseau lie a la production d’art (centres d’art sur le plan generique).

Une ecole s’inscrit d’abord dans un reseau avec d’autres ecoles d’arts. Une ecole toute seule represente quelque chose de pas tres grand ; sitot qu’on s’eloigne un peu, ca devient tout petit, l’idee est donc de, a un niveau regional, constituer des reseaux d’ecoles. Alors nous en Bretagne, nous sommes un peu avances la-dessus puisque nous avons travaille a la constitution d’un reseau des ecoles de Bretagne. Ca peut avoir aussi une dimension financiere dans la mesure ou les Regions qui ne participent pas au financement des ecoles, pourraient participer au financement des ecoles. Sur ce plan, nous sommes avec le ministere de la Culture, avec la region, en train d’etudier un protocole d’experimentation, pour la mise en reseau des ecoles de Bretagne. Sur le plan des rapports avec les centres d’art et l’universite, les choses sont un petit peu plus compliquees. Les centres d’art comme les universites pensent que ce qu’on fait dans les ecoles est interessant mais ils ont du mal a reconnaitre l’importance de fonctionner avec elles sur un pied d’egalite. Ils ont tendance a nous utiliser pour ce qu’on peut leur apporter, et a ne pas prendre en compte ce qu’on fait veritablement dans les ecoles d’art et a partir des ecoles d‘art. Alors la, c’est un travail de longue haleine.

Pouvez-vous expliquer comment ce reseau, qui relie les 4 ecoles de Bretagne, fonctionne-t-il ? Ce reseau repose, au depart, sur un examen d’entree commun, afin que les etudiants puissent se presenter aux quatre ecoles en meme temps, et qu’ils puissent choisir l’ecole dans laquelle ils veulent etre. Ensuite, on a un principe de libre circulation entre les ecoles. Theoriquement, un etudiant peut quitter une ecole pour aller dans une autre ecole et etre admis automatiquement. Le troisieme point c’est dire que ca offre, disons, un ensemble de formations plus large que ce qu’une ecole peut proposer. Les quatre ecoles ensemble offrent plus de choix de formation. Et puis, quatrieme point, il y a effectivement toute une serie de choses qui sont faites en commun : des voyages en commun, des expositions communes, des ateliers communs, - on a fait par exemple cette annee un atelier dans le domaine du film court, on a fait un atelier autour d’editions en serigraphie, on a fait des ateliers communs en scenographie, on a fait un atelier commun autour de la narration video… -Il y a donc toute une serie d’ateliers qui sont communs entre les ecoles, avec des enseignants des differentes ecoles et des etudiants des differentes ecoles.

Pensez-vous que l’exemple de ce reseau d’ecole puisse etre applique au niveau national, voire europeen ? Il faudrait que ce soit elargi au niveau europeen. Un des enjeux, justement, du reseau d’ecoles, c’est d’avoir plus facilement des correspondances avec d’autres reseaux, d’autres etablissements europeens. Dans un premier temps, on se regroupe entre ecoles francaises d’une region, avec comme objectif d’aller ailleurs, de faciliter les rapports avec les autres structures et reseaux.. De faciliter les echanges : ainsi un etudiant russe qui a envie de venir en Bretagne pourrait etre accueilli dans une des quatre ecoles.

Chaque groupement d’ecole garderait donc sa specificite ? Chaque ecole reste independante, geree de facon independante, mais il y a un certain nombre d’activites qui peuvent etre communes. On va publier un livret de l’etudiant commun aux quatre ecoles, on a une brochure de presentation commune aux quatre ecoles. De temps en temps, on organise des voyages communs avec les etudiants des quatre ecoles. On a donc toute une partie d’activites en commun, mais qui laisse a chaque etablissement la liberte de ses choix et de son orientation.

Au niveau europeen, que pensez-vous du systeme d’enseignement qu’on peut trouver en Allemagne, en Italie ? Trouvez-vous des equivalences entre leur systeme et notre systeme francais ? Les passerelles sont-elles possibles des maintenant ou bien y a-t-il un travail d’harmonisation a fournir au prealable ? J’ai tendance a dire que les systemes sont apparemment tres differents, en realite souvent assez proches les uns des autres. Les enseignements sont tres lies a ce qu’est l’art contemporain, et ce qu’on appelle aujourd’hui l’art contemporain, c’est un art non seulement europeen, mais mondial, donc quelque part, les references, les modeles, sont un peu communs a tout le monde. C’est partout des enseignements qui sont fondes sur des engagements tres personnels de la part des etudiants ; une ouverture sur des formes d’expression qui peuvent etre tres differentes ; alors bien sur apres il peut y avoir des differences qui vont jouer sur le fait que certains etablissements sont plus ouverts que d’autres aux pratiques contemporaines. Mais je pense que dans le fond il y a quand meme beaucoup de choses communes.

Donc a priori, il n’y a pas trop de problemes pour harmoniser ces ecoles entre elles ? Non, il n’y a pas trop de probleme ; je pense que c’est en cela que le systeme dit LMD peut etre interessant : il permet d’avoir une idee du niveau auquel on est susceptible d’accueillir les gens qui viennent d’un autre systeme d’enseignement. A l’heure actuelle c’est la principale difficulte que l’on a. Nos etudiants, tres branches sur l’art contemporain, ne sont pas mecontents parfois d’avoir un enseignement plus traditionnel. Les etudiants qui viennent d’autres pays ou l’enseignement est plus traditionnel, peuvent apprecier d’avoir un enseignement plus ouvert sur l’art contemporain. Donc ce melange est quelque chose d’interessant. Mais il est vrai que la difficulte est d’estimer, pour quelqu’un qui arrive d’un pays etranger, a quel niveau il peut trouver sa place dans notre systeme.

Dans l’ecole de Rennes, que pensez-vous de l’equilibre entre enseignement traditionnel et art contemporain ?Pensez-vous que les etudiants recoivent correctement cet echange ? Je crois qu’a Rennes, comme dans beaucoup d’ecoles d’art aujourd’hui, on a surtout un probleme pour articuler les enseignements theoriques et les enseignements pratiques. On va dire, la part conceptuelle, et la part technique. Depuis quelques annees l’accent a ete mis principalement sur ce qu’on appelle la demarche. Et peu importait la prise en compte des moyens par lesquels se traduisait cette demarche. Je pense qu’aujourd’hui on s’apercoit que l’on est a un moment ou il faudrait peut-etre retrouver un lien ou des racines avec tout ce que sont les conditions de mise en ?uvre pratique. C’est tres lie aussi a ce qu’a ete l’art contemporain : on observe aujourd’hui partout, dans tous les domaines de l’art, l’importance tres grande de la mise en ?uvre, de la mise en forme. Dans des domaines traditionnels comme la peinture, on parle d’un « retour » a la peinture : depuis un moment, on remarque un nouveau regard sur ce medium. Et que ce soit en photo, en video, on s’apercoit aujourd’hui que les artistes contemporains, qui d’ailleurs marchent bien, sont des artistes qui savent tres bien manipuler les outils. Donc ce reequilibrage est, je pense, necessaire.

Comment pourrait-on renforcer ces enseignements techniques ? En rajoutant des cours, en ayant plus de moyens pour faire intervenir des professeurs dans les ateliers plutot que des moniteurs (les moniteurs etant les etudiants de quatrieme-cinquieme annee qui encadrent les ateliers, mais qui n’ont pas forcement le savoir d’un professionnel) ? Les solutions sont multiples : d’une part il faut que dans les ecoles d’art on ait un certain nombre de techniciens competents dans les domaines qui nous interessent (la photo, la video, l’informatique, la gravure, la peinture,...). Cela suppose un changement d’attitude de la part des enseignants. Un changement d’attitude aussi de la part des etudiants parce qu’il y a des etudiants qui voudraient bien savoir la technique sans forcement avoir a l’apprendre. La-dessus il faut donc que chacun change un peu son regard, et que les enseignants reconnaissent les aspects proprement techniques de leur metier : ils peuvent aussi avoir un regard technique professionnel. Qu’il y ait un equilibre, disons un changement de regard, d’attitude generale. Il fut un temps ou dans une ecole, tant que vous n’aviez pas de professeur photo, il y avait des gens qui faisaient de la photo. A partir du moment ou il y a eu un professeur ils ont dit qu’ils n’etaient pas la pour discuter de la technique. Je prend l’exemple de la photo mais on pourrait dire la meme chose de la video, ou de la gravure. Car il faut dire aussi qu’on etait a une periode ou la mode etait la transversalite. La transversalite est le melange de differents domaines. Mais on voit bien aussi les risques qu’il peut y avoir : avec la transversalite on fait pas forcement tout bien mais on risque de faire tout pas tres bien, et en meme temps sans que l’on puisse forcement etre juge, car par definition on n’est dans aucun domaine. C’est quelque chose qui n’est pas propre aux art plastiques : on retrouve la transversalite dans tous les domaines. Regardez, si vous vous interessez a la danse ou au theatre, il y a de nombreuses fois ou l’on sait pas tres bien si l’on est dans le domaine du theatre ou de la danse. Je suis frappe par le fait que recemment, j’entendais par exemple des danseurs qui commencaient a critiquer cette notion de transversalite, ses effets. Ils etaient arrives a un moment ou ils n’avaient plus de personnalite, plus de reperes.

Donc globalement, que ce soit dans les arts plastiques ou les arts en general, il y a en quelque sorte un retour vers une technique, vers une etude de l’outil, vers des reperes qu’on avait un peu quitte ? L’histoire fonctionne un peu toujours comme un balancier : a un moment on dit qu’il faudrait mettre l’accent sur quelque chose, alors tout a tendance a aller de ce cote-la. Aujourd’hui, effectivement, on est a un moment ou les techniques, les donnees professionnelles ont une importance. Mais on le voit bien, c’est une demande des etudiants. C’est une demande nouvelle : il y a quelques annees on leur aurait parle de ca, ils auraient dit que ce qui est important, c’etait de ne pas se trouver contraint et ainsi de suite. Mais aujourd’hui les etudiants font cette demande, veulent apprendre quelque chose, pouvoir faire quelque chose. C’est l’evolution de la vie. Aujourd’hui c’est ca mais c’est pas toujours ca.

A l’ecole des Beaux-arts de Rennes, on a une grande part dediee a l’experimentation, a la pratique. Dans les ateliers, les etudiants apprennent en commun a se servir des outils. Pensez-vous qu’il faille laisser cette grande liberte d’experimentation, cette methode d’apprentissage par la pratique, aux eleves, ou bien peut-etre la renforcer a l’aide d’un plus grand nombre de cours theoriques ? En Belgique, par exemple, on recoit des cours de sociologie, qui peuvent nourrir la reflexion, la demarche artistique. Cela pourrait-il etre envisageable dans les ecoles des beaux-arts ? Ca peut etre envisageable, ca peut etre necessaire, peut-etre pas forcement sous la forme de cours. La on peut peut-etre trouver une procedure qui permette d’aborder autrement ces disciplines dites theoriques que la forme traditionnelle des cours de critique d’art ou de l’histoire de l’art. Theoriquement c’est tout le secteur que l’on appelle « culture specifique » : chaque etudiant va developper, en fonction de ce qu’il va developper, doit nourrir son travail d’apports exterieurs, qui peuvent etre lies a des disciplines extremement differentes. C’est une question que Rosenberg aborde dans la definition de l’?uvre d’art : un bon enseignement est celui qui reussit a melanger tous les disciplines et les approches. D’un autre cote, il faut faire attention a ne pas surcharger les choses de connaissances dont on ne verrait pas tres bien le rapport avec la pratique qu’on peut avoir. Avoir une ouverture est quelque chose d’indispensable. L’opposition entre ceux qui font et ceux qui pensent, dans la societe de facon generale, a ete remise en question. Mais on ne peut reussir a developper une pratique artistique par le biais d’une accumulation de savoirs, et notamment de savoirs theoriques.

Donc peut-etre par l’intermediaire d‘ateliers, de workshops, en invitant des artistes… Oui, les ateliers avec les artistes. Alors effectivement, quand on parle d’invitation d’artistes ce qui est interessant c’est que chaque artiste a un fonctionnement particulier ; il s’appuie sur des references, sur des connaissances qui sont particulieres, et que lui a reussit a transformer en materiau artistique, et sous cet angle-la, c’est effectivement beaucoup plus interessant que de faire appel, on va dire, a un specialiste d’un enseignement dans un domaine particulier. On ne peut pas dire que ce n’est pas interessant mais ca ne peut pas etre que ca. D’ou l’importance, par rapport a ce qu’on disait tout a l’heure, des reseaux, des rapports avec les centres d’art, qui permettent d’avoir des approches en rapport avec des productions.

L’ecole des Beaux-arts de Rennes forme avant tout des praticiens : des plasticiens, des designers, bref des createurs dans le domaine de l’art. Pensez-vous que l’ecole puisse former des critiques, des commissaires d’exposition, ou qu’il y a d’autres etablissements ou on puisse se specialiser ? Qu’est-ce que ces deux formations peuvent avoir de commun ? Quels enseignements sont necessaires a ces deux formations ? Une ecole des Beaux-arts, comme celle de Rennes ou comme toutes les ecoles des beaux-arts, a normalement pour fonction de former des praticiens. Ce sur quoi, quand on regarde ce que deviennent les etudiants, un certain nombre sont plutot dans des domaines qui sont autour de la pratique que dans le domaine de la pratique proprement dit. Certains sont mediateurs, organisateurs d’expositions, ou gerent des centres d’art. Ils ont un atout pour ca, qui est lie a la formation qu’ils ont eu, plutot d’artiste. Parce qu’ils ont une familiarite, une proximite avec les artistes que quelqu’un qui aurait une formation plus critique n’a pas ; cela ne veut pas dire que l’une s’oppose a l’autre ; il s’agit simplement de deux demarches differentes qui peuvent tres bien se completer l’une avec l’autre. Mais le noyau des ecoles, c’est la formation d’artistes. Il est important de garder cet aspect-la, meme si on sait bien qu’un certain nombre ne seront pas artistes, et auront des activites qui tournent autour du domaine de l’art. Des activites qu’ils pourront d’autant mieux developper qu’ils seront dans un rapport direct la pratique de l’art.

Concretement, quelles sont les matieres que les artistes, que les commissaires d’expo, que les critiques, que les futurs professionnels doivent avoir en commun ; quels enseignements sont necessaires pour former ces professionnels ? On va dire c’est tout ce qui tourne autour de l’histoire de l’art, notamment de l’histoire de l’art contemporain, et, dans un sens assez general, de la philosophie de l’art. (Il faut comprendre la philosophie dans un sens assez general, qui peut impliquer la sociologie, tout ce qui a un regard, une reflexion sur l’art.) Forcement aussi quelque chose autour de la mediation, de la mise en espace, parce que toutes les formes d’expression artistique reposent bien sur le fait que, a un moment ou a un autre, elles trouvent place dans un lieu ou un espace. Voila ce que peut etre la formation commune.

Donc avant tout artistique… Peut-etre apres faudrait-il envisager d’aborder les aspects pratiques de l’activite professionnelle d’un artiste, tels que la communication, le marketing, la gestion,… Ces matieres entreraient-elles dans le champ d’une ecole d’art Ecoutez, l’idee que l’on a a l’heure actuelle, c’est de developper cet aspect plutot par complementarite. On envisage ca effectivement dans le cadre d’un eventuel centre de recherche, qu’on developperait apres le diplome, et qui pourrait permettre d’articuler une pratique de l’art avec quelque chose qui tourne autour de la mediation de l’exposition. Il serait important de travailler de facon complementaire avec specialistes de la gestion et de la communication de projets. Mais pour nous artistes, l’aspect principal est quand meme la pratique. Qu’on aie une certaine sensibilite avec ces aspects c’est quelque chose qui est important, et c’est la que le travail avec d’autres professionnels peut etre judicieux afin de developper cette sensibilite. Notre objectif n’est pas de se specialiser la-dedans, mais d’avoir au moins ce minimum d’approches.

Pensez-vous qu’un etudiant qui passe le Diplome National Superieur d’Expression Plastique, c’est-a-dire le diplome qu’on obtient apres cinq ans d’etudes aux Beaux-arts, est pret a avoir une activite artistique, est pret a etre autonome dans son travail ; qu’il a suffisamment de bagage fournit par l’ecole ? Il peut etre un tres jeune artiste! Un tres jeune artiste, c’est un artiste qui va murir ; aujourd’hui on n’est plus, comme il y a cent ans, ou un artiste age de vingt-cing a trente ans commencait a ne plus etre un jeune artiste. Aujourd’hui, a vingt-cinq ans, on est encore tres jeune. Sur tous les plans ; sur le plan artistique aussi. C’est d’ailleurs une des raisons qui fait que tous les enseignements aujourd’hui durent plus longtemps qu’il y a cinquante ou cent ans. Souvent c’est important que les etudiants ayant eu leur diplome puissent prolonger cette periode d’apres diplome par quelque chose qui va leur permettre de murir, d’approfondir une demarche, un travail qu’ils ont commence, qu’ils ont a peine esquisse. Mais il faudrait que ca soit dans une situation beaucoup plus reelle que ce qui se fait avant, dans le cadre de l’enseignement. Il est important de sortir du cadre scolaire. Alors on peut commencer deja avant, mais c’est sur que c’est important apres.

Ce qui veut dire qu’en fait, l’ecole forme des artistes prets a murir, qui ont encore une demarche a poursuivre ? Oui, parce qu’une ecole d’art n’enseigne pas l’art : elle enseigne des pratiques artistiques. Etre artiste, c’est autre chose que d’avoir un diplome ou de presenter un memoire, ou de faire des travaux dans un cadre scolaire. C’est un engagement de vie, c’est un engagement de societe. Pour ca on ne peut vraiment le faire qu’a partir d’un certain moment, en dehors d’un cadre scolaire, qui a certes sa legitimite, son interet, mais qu’au bout d’un moment il faut bien depasser.

Et vous pensez que l’ecole permet de depasser ce cadre, qu’elle permet aux etudiants de prendre leur autonomie, de trouver leurs reperes en dehors de l’ecole ? Quelque part oui, mais pas forcement bien. On s’apercoit que quand on regarde ce que deviennent nos etudiants, on leur a appris a se debrouiller, a s’adapter. Du fait que ils reussissent a s’integrer dans des activites de type different. Peut-etre qu’on leur a pas assez donne d’outils. On est dans une periode ou on leur a donne beaucoup de libertes, ce qui est bien, mais pas forcement le capital, les elements, qui font que cette liberte pourrait se developper, s’epanouir autant que necessaire.

Pourriez-vous citer des elements qui seraient necessaires a cet epanouissement ? Je pense qu’il y a tout ce que concerne les enseignements techniques. C’est vrai que la part de la mise en ?uvre techniques, dans nos enseignement, a l’heure actuelle, est extremement limitee. Je pense que sur le plan de ce qu’on peut appeler au sens large la communication, il y a aussi beaucoup a faire : on est trop souvent en presence d’artistes qui disent : « Je n’ai rien a dire ; il n’y a qu’a regarder mon travail qui parle par lui-meme », ca je pense qu’effectivement c’est trop juste. Aussi un troisieme element autour de donnees d’activite professionnelle ; souvent le monde professionnel exterieur est meconnu par les etudiants ; ils le decouvre sans bien savoir comment bien jouer avec.

Et comment serait-il possible de developper ces lacunes de l’enseignement ? Alors d’une part je pense qu’il faudrait developper, dans les enseignements, un certain nombre d’apports pratiques, qu’on a eu tendance a mettre de cote, parce qu’on avait l’impression que ce qui etait important ce n’etait pas tellement ce qu’on faisait mais pourquoi on le faisait. Avec la crainte qui etait de ne pas avoir affaire a des artistes mais a des artisans. On voulait bien se distinguer du monde de l’artisanat. Le monde de l’art, de l’art contemporain c’est quoi, c’est un monde qui n’arrete pas de se poser la question de ce que c’est que l’art. C’est la « marque » de l’art contemporain. Ce sur quoi, on peut se dire qu’il faille effectivement se poser la question mais la question, on y repond en mettant en ?uvre des moyens. Ca peut donc se faire d’une part en reevaluant un certain nombre de formations a l’interieur des ecoles, et d’autre part, en ouvrant davantage les ecoles sur l’exterieur : sur d’autres etablissements, que ce soit universites, que ce soit grandes ecoles, que ce soit etablissements a formation plus techniques ; sur les etablissements a l’etranger, car la connaissance de la situation dans les etablissements etrangers apporte quelque chose ; et puis aussi en rapport avec le milieu de production et de creation.

Ca c’est une opportunite qui est donnee aux eleves en quatrieme annee avec les programmes d’echanges d’ERASMUS entre ecoles en Europe et dans le monde ? Voila, c’est souvent la quatrieme annee qu’on estime importante pour les stages et les sejours a l’etranger. Le probleme c’est qu’elle intervient avant la cinquieme annee, ce qui est delicat pour les gens qui reviennent a l’interieur de l’ecole et qui doivent se reconcentrer pour preparer le diplome… D’une part, il n’y a pas assez d’echanges avec l’exterieur parce qu’il y a peu de moyens qui sont donnes, par exemple les bourses pour un sejour a l’etranger sont extremement reduites et donc les etudiants ont tendance a ne pas partir trop loin. D’autre part, il faudrait developper les rapports avec les lieux de prodution et de creation. En France, malheureusement, les rapports ne sont pas tres equilibres, a la difference d’autres pays. En Angleterre par exemple, les ecoles d’art sont veritablement dans des reseaux avec les centres d’art, les lieux d’exposition. Un professeur d’ecole d’art est un professeur qui expose, qui publie ; dans la region dans laquelle est situee la galerie se trouvent des galeries, des lieux d’exposition avec lesquels on peut travailler. En France, le probleme est que nous sommes dans un systeme tres centralise. Alors comme beaucoup de choses se passent a Paris, les professeurs travaillant dans les ecoles d’art qui ne se sont pas a Paris ont l’impression de se trouver un peu dans les ecoles d’art comme s’ils etaient a l’etranger. Les etudiants n’ont pas forcement la possibilite de developper des veritables rapports avec des structures. Il faut esperer que c’est quelque chose qui changera, que la vie culturelle se developpe dans les regions, dans tous les domaines. Il y a certains domaines pour lesquels ca se passe tres bien, comme par exemple le theatre : il y a en region des centres dramatiques, des troupe de theatres qui sont importants et ainsi de suite. Au niveau de l’art contemporain, disons que les galeries, les centres d’art, en province c’est quand meme assez limite.

Et comment pourrait-on developper ces structures ? S’il y a des gens qui s’interessent au theatre, a la danse, il doit y avoir aussi des gens qui s’interessent a l’art contemporain ? Il n’y a pas le meme rapport au public : quelqu’un qui fait de la danse, quelqu’un qui fait de la musique, quelqu’un qui fait du theatre concoit bien qu’il ne peut pas developper cette activite s’il n’y a pas un public. Un artiste peut toujours travailler seul, dans sont atelier. Il peut faire une exposition a laquelle il y aura du monde ou il n’y aura personne. Alors je crois que c’est une des raisons qui font que les arts plastiques ont plus de mal a etre vus, a etre entendus. Il y a d’un cote ce que l’on appelle « le spectacle vivant », c’est la terminologie que l’on a en francais, qui regroupe theatre, danse, etc. et puis a cote de ca on a les arts plastiques, on sait jamais trop a quel moment on est dans le musee ou dans l’art contemporain, et qu’est-ce que ca vient faire.

Pour revenir sur le fait que le systeme est tres centralise, et que si l’on n’est pas a Paris, on est marginalise. Je sais qu’a l’ecole de Nice, l’ecole d’art se trouve liee a un centre d’art, a un lieu d’exposition avec lesquels elle fonctionne. Pensez-vous que l’exemple de Nice soit applicable a d’autres regions, a Rennes par exemple ? Le systeme de Nice est une possibilite, mais ce n’est pas forcement la seule. La region Bretagne a un certain nombre de centres d’art, un certain nombre de lieux d’expositions. Il faudrait que nos partenaires prennent conscience du fait que le rapport avec les ecoles d’art, le rapport avec les jeunes artistes des ecoles d’art fait partie de leur mission. Il y a quelques temps on avait invite en Bretagne a une reunion le responsable d’un centre d’art en Belgique ; ce responsable de centre d’art en Belgique organisait des expositions d’etudiants, d’etudiants belges et francais, tous les ans, parce que ca faisait partie de ses missions. Nos centres d’art en France n’ont pas encore cette conception-la. Je pense que c’est principalement a ce niveau-la , au niveau des mentalites, il faudrait arriver a changer les choses. Parce qu’il n’y a pas qu’une seule solution qui est bonne. La solution qui est de dire : « l’ecole doit fabriquer des produits qui rentrent dans le centre d’art », on se rend bien compte que quelque part c’est un peu problematique. On se retrouverait dans la fabrication de produits pour les centres d’art qui se trouvent derriere. C’est important de maintenir la liberte, c’est important de maintenir la diversite, et il faut se dire que les experiences, les echanges peuvent etre multiples et variees.

Pensez-vous que c’est par rapport au marche global que l’on demande aux gens d’avoir des connaissances tres pointues, parce qu’on exige des niveaux de qualification de plus en plus eleves, que ce soit dans le domaine de l’art ou ailleurs ? Non, je mettrais ca en rapport avec une evolution generale dont les choses se passent dans la societe : c’est vrai que de facon generale, on attend plus des gens qu’ils soient specialises dans un domaine. C’est un peu la situation actuelle. Par rapport a la question que vous me posiez tout a l’heure, on s’apercoit que dans le domaine artistique, les gens ont souvent une double formation. Il y a quelques temps, a Rennes, le responsable de l’opera etait quelqu’un qui avait une formation musicale et une formation d’ecole de commerce. Meme chose pour le directeur du Musee. Il avait une formation de conservateur et une formation d’ecole de commerce. Pour ce qui est sur un plan strictement artistique, un artiste, on regarde sa production, sa creation. Mais sitot qu’on n’est pas sur ce domaine-la exclusivement, on voit bien que les choses changent.

Pour quelqu’un qui va se lancer sur le domaine du travail, vous ne pensez pas qu’il aura besoin de donnees complementaires ?Par exemple des enseignements qu’on apprend en ecole de commerce ? On fait des etudes a un moment dans un domaine qu’on peut completer par des etudes dans d’autres domaines en fonction de ce qui nous interesse a ce moment-la. Une ecole d’art ne peut pas donner une formation dans le domaine de l’art plus dans tous les domaines qui seraient susceptibles d’interesser les etudiants. Mais par contre, il y a d’autres types d’etudes, d’autres etablissements qui peuvent permettre de completer la formation qu’on a eu dans un domaine par une formation dans un autre domaine.

Donc c’est a l’etudiant de faire son parcours de formation et de choisir quelles ecoles lui correspondront. On est a un moment ou, sauf dans des domaines tres particuliers, pour lesquels il existe des etablissements specialises, dans la plupart des cas, sur la base de formation dans des domaines abordes de facon un peu plus generale, ces formations peuvent etre completees par des formations soit dans le domaine de l’art, soit dans d’autres domaines. Il faut dire aussi que le domaine de l’art s’est beaucoup elargit, ses champs sont de plus en plus varies. Il faut donc suivre cette evolution.

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Hans Dieter Huber
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Aleksandar Battista Ilic
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Katharina Jedermann
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Andrey Khlobystin
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Wolfgang Knapp
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Peter Kogler
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Marina Koldobskaya
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Georgij Lititchevsky
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Klaus Maertens
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Ivana Mance
Petar Milat
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Alla Mitrofanova
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Anatoly Osmolovsky
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Sandi Paucic
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Ana Peraica
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Nira Pereg
Petra Reichensperger
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Constanze Ruhm
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Jacques Sauvageot
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Alexej Shulgin,
Aristarh Chernishev

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Avdei Ter-Oganian
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Peter Weibel
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WHW
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Sarah Wilson
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Iliko Zautashvili
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Francis Zeischegg
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Heimo Zobernig
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